Marie Laguerre

Partir du jour au lendemain à des milliers de kilomètres de la France. En 2023, Marie Laguerre, reconvertie architecte après ses études d’ingénieur INSA, fait ce choix audacieux et part tenter sa chance en Australie. « Une amie d’études travaillait là-bas, raconte la jeune professionnelle. Il suffit parfois d’une rencontre pour se décider ! J’avais eu la chance de partir en stage au Vietnam durant mes études d’ingénieur. J’avais adoré cette première expérience à l’international. J’ai toujours eu envie de la revivre. »

Partie sans travail à la clé, Marie passe ses trois premières semaines en auberge de jeunesse à Sydney. Elle décroche un poste en novembre 2023 au sein d’une agence d’architecture spécialisée dans le logement. De la construction neuve à la réhabilitation, Marie passe de l’étude d’esquisse à la gestion de la documentation technique pour un chantier.

« Je suis très heureuse et hyper épanouie. J’ai la chance de travailler dans une petite agence de moins de 20 employés. On touche à tout et j’ai de plus en plus de responsabilités. »

Capacité d’adaptation

Il faut dire que Marie a toujours pris le temps d’éclore. À l’issue de son diplôme INSA obtenu en 2018, la Francilienne entre dans la foulée à l’école nationale supérieure d’architecture de Paris - Belleville, en troisième année de licence. « J’y pensais depuis longtemps, déjà en double diplôme avec l’école d’architecture de Rennes où je n’ai fait que la première année. J’ai attendu la fin de mes études pour poursuivre. Avec mon profil scientifique, des études d’ingénieur étaient évidentes. Je me suis autorisée à faire quelque chose qui me plaît vraiment après. »

Pleinement engagée dans la vie associative de l’INSA, Marie reste consciente des atouts du cursus suivi. « Les études d’ingénieur donnent beaucoup de clés. On nous apprend à apprendre. Cela m’a rendu versatile, avec cette capacité à s’adapter à tout. Il n’y a pas uniquement des cours techniques. Il y a des humanités, des cours de sport obligatoires, une préparation à la vie professionnelle, la vie d’adulte. » Tout comme des stages formateurs. Marie est notamment passée par l’illustre atelier Jean Nouvel, le chantier de l’Hôtel de la Monnaie ou encore chez Bouygues Construction.

Militantisme et prise de recul

Si Marie est partie en Australie, c’est aussi pour faire le vide après une période compliquée. Agressée par un homme (ensuite condamné) dans le 19e arrondissement de Paris le 24 juillet 2018 puis victime de harcèlement en ligne, elle s’engage contre les violences faites aux femmes et multiplie les interventions et les conférences dans les médias, les écoles, en France et à l’étranger. Marquée par son agression et la médiatisation de cette dernière, elle ne peut suivre tous les cours et aménage ses études jusqu’en septembre 2019. Quelques mois plus tard, en février 2020, elle co-publie un manuel intitulé Rebellez-vous ! (Iconoclaste Editions) dans lequel elle raconte comment la jeune fille qu’elle était est devenue féministe et invite les lecteurs à s’engager.

« Ici, en Australie, je retrouve une certaine légèreté. Le féminisme est un engagement que j’ai toujours en moi, que je porte au quotidien, mais de manière plus pudique et associative. Ici, je me sens plus en sécurité dans la rue. J’ai eu besoin de prendre du recul, de revivre une vie pour moi. Cela a été éprouvant car on passe au rouleau compresseur dans ces moments-là. Il manque un travail de fond dans les écoles pour prévenir du sexisme. »

À Sydney, elle évoque une vie « beaucoup plus confortable ». « Financièrement, on respire mieux, il y a du soleil, de la nature partout. J’ai l’impression que ce n’est pas un peuple aussi politisé que nous. Mais ici, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle est très important. Ils profitent de la vie. »

Alors qu’elle compte rester au moins jusqu’en 2026, elle rêve déjà d’Asie. Vietnam, Corée du Sud, Japon, Taïwan … ? Elle préfère laisser planer le mystère, sans trop planifier. « J’ouvrirai peut-être un jour mon agence. Encore trop peu de femmes ouvrent leur agence d’architecture. Cela reste un objectif. »

Portrait publié en février 2025